On entend souvent qu’il vaut mieux compter sur les aides de la Caf plutôt que d’aller travailler pour un salaire de misère. Mais en réalité, les prestations sociales ne permettent absolument pas d’égaler ou de dépasser le Smic. Et cette conclusion ne sort pas de nulle part. Deux chercheurs, dans Alternatives Économiques, ont étudié la question. Ils affirment que le travail reste toujours plus rentable que les allocations. Cela dit, ils notent également que, même en travaillant, la précarité persiste. Loin de là.
Les aides de la Caf n’empêchent pas l’extrême pauvreté
Pour leurs calculs, les deux experts ont pris l’exemple d’une personne vivant seule. Sans travail, cette personne vit avec des prestations sociales, pour un total de 851 euros mensuels. Cela représente seulement 39 % du revenu médian, la plaçant sous le seuil d’extrême pauvreté (40 % du revenu médian). Même en bénéficiant des aides de la Caf, cette personne reste dans une grande précarité.
Quand le travail ne suffit plus à s’en sortir
À l’inverse, une personne travaillant au Smic à temps plein gagne 1 426,30 euros net par mois (depuis novembre 2024). Avec la prime d’activité de 258 euros, son revenu total atteint 1 657 euros. Ce montant dépasse le seuil de pauvreté pour un célibataire. Mais pour un travailleur avec des enfants à charge, ce revenu reste insuffisant pour sortir de la pauvreté.
Quelques repères sur les revenus et la pauvreté en France
- Revenu médian : 2 028 euros par mois (2022).
- Seuil d’extrême pauvreté : 811 euros en 2022 (40 % du revenu médian).
- Seuil de pauvreté : 1 014 ou 1 216 euros en 2022 (50 % ou 60 % du revenu médian).
En mars 2022, le Smic net atteignait seulement 1 269,02 euros par mois, à peine au-dessus du seuil de pauvreté. À titre de comparaison, le RSA socle ne dépassait pas 565,34 euros sur la même période.
« Le revenu de solidarité active (RSA), par exemple, est bien en-dessous du seuil de pauvreté et du Smic. », rappelle Anne Brunner, directrice des études à l’Observatoire des inégalités.
Quand les plus précaires négligent les aides de la Caf
Les prestations sociales suscitent de nombreuses idées reçues. Les allocataires sont parfois caricaturés comme des « profiteurs » qui utilisent les aides pour des dépenses futiles. Mais ces préjugés ignorent une réalité importante : le taux de non-recours. Il désigne les personnes éligibles à certaines aides, mais qui ne les réclament pas.
Selon plusieurs enquêtes, ce taux atteint environ 40 %. En 2022, un rapport de la Drees estimait qu’en 2018, 34 % des publics éligibles au RSA ne le demandaient pas chaque mois. Cela représente environ 750 millions d’euros non versés par trimestre.
Des emplois toujours plus précaires
L’opposition entre allocataires et travailleurs alimente des tensions. Pourtant, les emplois sont de plus en plus précaires. Selon le Centre d’observation de la société, en 2023, 16 % des salariés occupaient des contrats précaires (CDD, intérim, apprentissage). Ce chiffre a doublé depuis les années 1980, ainsi que Merci pour l’info le rappelle.
Chez les jeunes de moins de 25 ans, la précarité est encore plus marquée. Bien que l’apprentissage permette une insertion professionnelle, il offre souvent une rémunération inférieure au Smic, nécessitant un soutien de la Caf (APL, prime d’activité).
La Dares a récemment étudié les chiffres du chômage. Au troisième trimestre 2023, le nombre de travailleurs précaires en catégorie B (temps partiels, intérimaires) a augmenté de 3,2 %. De plus, 27 % des travailleurs à temps partiel souhaiteraient travailler davantage, une contrainte qui touche principalement les femmes dans 75 % des cas.
« Les emplois précaires ne baissent pas », note Anne Brunner.